- QUETCHUAS
- QUETCHUASDe tous les groupes autochtones du continent américain, les Quetchuas (ke face="EU Caron" カwa) forment le plus nombreux et le plus étendu. Ces paysans des Andes centrales se répartissent en une multitude de petites communautés agropastorales isolées les unes des autres, mais rattachées de plus en plus fermement aux marchés locaux, régionaux et nationaux. Après avoir été soumis aux Incas qui, en leur imposant l’usage d’une langue commune, renforcèrent une unité encore mal définie, ils subirent, à partir du XVIe siècle, la domination espagnole. Les contacts intenses et permanents qu’ils entretiennent depuis cette époque avec les Blancs ont profondément influencé leur culture. Toutefois, les modalités singulières par lesquelles ils ont su adpater et intégrer nombre de traits culturels européens permettent de les distinguer de leurs voisins aymaras aux dépens desquels ils manifestent un surprenant dynamisme. Leur participation croissante à la vie nationale de l’Équateur du Pérou et de la Bolivie, où ils constituent l’essentiel de la paysannerie, ne va pas sans poser de graves problèmes politiques dans ces trois pays.1. Le groupe et son territoireLes Quetchuas, dont on estime le nombre en 1993 à plus de 14 000 000, vivent sur les versants et dans les dépressions internes des cordillères andines (entre 10 de latitude nord et 270 de latitude sud). Le territoire qu’ils occupent s’étend depuis la frontière méridionale de la Colombie (Pasto) jusqu’au nord du Chili (Antofagasta et Tarapaca) et au nord-ouest de l’Argentine (Jujuy, Cotamarca, Santiago del Estero). Il correspond en fait aux terres hautes de l’Équateur, du Pérou et de la Bolivie. En Équateur, la population quetchua (2 000 000) est particulièrement importante dans les provinces centrales de Chimborazo, de Tungurahua et d’Azuay. En Bolivie (2 000 000), elle est fortement implantée dans les départements de Potosi et de Cochabamba qui encadrent le haut plateau. Au Pérou (10 000 000), elle se distribue de Cajamarca à Puno, avec une densité plus élevée dans le sud, à l’intérieur des départements du Cuzco, d’Apurimac et d’Ayacucho où elle devient numériquement majoritaire. Dans ces trois pays, les Quetchuas représentent entre le quart et la moitié de la population totale.Une origine sibérienneBien que vraisemblablement issus des éléments sibériens qui composèrent la deuxième vague de peuplement de l’Amérique, et rattachés à ce titre au stock protomongol, les Quetchuas ne constituent pas un ensemble racialement homogène. En dehors de l’indice céphalique (80-89) qui les situe parmi les brachycéphales, de la taille qui est petite (1,558 m) et de la cavité thoracique large et profonde, ils présentent d’une région à une autre des différences d’ordre anthropologique et génétique plus ou moins accusées. L’analyse sérologique révèle une dominance du groupe sanguin O accompagnée d’une fréquence variable des groupe A et B. La distribution de l’antigène Diego varie également à l’intérieur d’une marge assez ample. Ces variations s’expliquent par l’adaptation à un environnement comprenant plusieurs paliers écologiques nettement différenciés qui s’étagent des terres tempérées aux confins de la haute steppe, entre 1 500 et 4 000 mètres d’altitude. Elles peuvent aussi s’expliquer par la miscégénation, résultant des rapports avec les colonisateurs européens, qui n’a cessé d’intervenir depuis quatre siècles.Le quetchua, une lingua francaEn réalité, les Quetchuas ne forment qu’un ensemble linguistique et secondairement culturel, englobant les anciennes ethnies andines d’inégale importance que les souverains de Cuzco incorporèrent à leurs États – et auxquelles ils imposèrent le runa simi . Au début du XVe siècle, cette langue était pratiquée entre Abancay et Curahuasi, dans l’actuel département péruvien d’Apurimac. Les Incas, qui l’adoptèrent, allaient en assurer la diffusion et le rayonnement. Ils en firent l’idiome véhiculaire du plus vaste empire de l’Amérique précolombienne. Après la conquête espagnole, les autorités coloniales poursuivirent avec des moyens accrus la politique incaïque de quetchuisation. Elles donnèrent au runa simi le statut de «langue générale» de la vice-royauté du Pérou. Mais en s’étendant à des régions géographiquement isolées et en s’y superposant à des idiomes d’origines diverses, le runa simi devait peu à peu se différencier. Aujourd’hui, on distingue, à partir de critères phonétiques et morphologiques, deux grandes unités dialectales: le runa simi du Sud ou dialecte A, et le runa simi du Nord ou dialecte B, dont les aires se situent de part et d’autre du bassin de Mantaro. Ces dialectes, qui ne sont pas mutuellement intelligibles, se fractionnent à leur tour en parlers enchaînés dont les mieux caractérisés jusqu’ici sont ceux d’Ancash, d’Ayacucho et du Cuzco.En dépit de l’influence du castillan que parlent un nombre croissant de Quetchuas, le runa simi continue à se répandre sous l’effet des courants migratoires qui conduisent depuis 1940 les populations des cordillères vers la côte du Pacifique et vers les hautes vallées de l’orient amazonien. Cette expansion se réalise au détriment de l’aymara ou haqaru , dont l’aire, complètement enclavée dans celle du runa simi, tend à se réduire au haut plateau bolivien. Le runa simi est parlé dans les quartiers populaires de Lima ainsi que dans certaines tribus sylvicoles. Il est utilisé comme lingua franca partout où des Indiens de langues différentes entrent en contact.2. L’organisation socialeDes communautés agraires divisées en sectionsLa communauté agraire est la forme la plus élaborée de l’organisation sociale des Quetchuas. Les solidarités supracommunautaires, sur la base desquelles s’étaient constituées de petites chefferies, ont été complètement démantelées par les Espagnols, après avoir été diversement érodées par les Incas. D’ailleurs, la communauté actuelle est moins une survivance de l’époque précolombienne que la création délibérée des autorités coloniales. À la fin du XVIe siècle, le vice-roi Francisco de Toledo entreprit de concentrer systématiquement en villages situés dans les fonds de vallées les établissements localisés à la limite de l’ager et de la steppe, vers 3 800 mètres d’altitude, entre lesquels s’éparpillait alors la population andine. Ces établissements, ou ayllu , se caractérisaient par la possession d’un terroir, ou marka . Ils étaient formés par des familles unies par des liens de consanguinité ou d’affinité, qui se reconnaissaient des ancêtres communs.Les sections que comportent actuellement les communautés quetchuas procèdent vraisemblablement des anciens ayllu à partir desquels ces communautés ont été créées. La communauté est en effet divisée en deux ou trois sections par des lignes imaginaires. Ces sections sont des unités à la fois territoriales et sociales auxquelles les individus appartiennent de par leur naissance, leur résidence ou leurs intérêts fonciers. En général, l’individu relève de la section de son père qui est aussi celle de sa mère, car les sections sont endogames. Toutes les sections sont égales en droits et en devoirs, et chacune possède ses propres autorités, son propre saint patron, parfois ses propres lieux de culte, qui garantissent son autonomie. Mais, si elles sont égales, les sections ne sont pas pour autant équivalentes. La ligne de départ des sections recoupe la ligne de pente ou coïncide avec elle, de sorte qu’il y a toujours une section de la droite (allauqa et une section de la gauche (i face="EU Caron" カoka ), ou bien une section du haut (hurin ou qollana ) et une section du bas hanan ou kayao ), auxquelles s’ajoutent parfois une section intermédiaire ( face="EU Caron" カawpi ou payan ). L’organisation binaire allauqa/i face="EU Caron" カoka apparaît plus fréquemment dans le sud des cordillères, tandis que l’organisation ternaire hanan/ face="EU Caron" カawpi/hurin ou qollana/payan/kayao est plus répandue au nord. Partout cependant, la section du haut ou de la droite jouit d’une prééminence d’ordre cérémoniel. Elle entretient avec les autres sections, le plus souvent alliées, des relations hautement compétitives qui se manifestent à l’occasion des fêtes communautaires et des travaux collectifs. La rivalité traditionnelle qui oppose les sections, s’exprime en particulier dans des jeux tels que la face="EU Caron" カweka (ou «jeu de la crosse») qui est pratiquée dans les Andes du Pérou central.Filiation et mariageLa filiation semble avoir été régie, jusqu’au XVIIIe siècle, par un système de type parallèle. Ce système, selon lequel les hommes descendent de leur père et les femmes de leur mère, s’est profondément bilatéralisé en accusant toutefois une certaine tendance à la patrilinéarité. La bilatéralisation de la descendance s’est accompagnée d’un remaniement substantiel des rapports de parenté. Ainsi, l’identification du frère de la mère au beau-père et de la sœur du père à la belle-mère, qui suggérerait l’existence d’un ancien modèle d’union préférentielle entre cousins croisés ambilatéraux, a disparu. Mais l’époux de la sœur est toujours distingué du frère de l’épouse, pour être confondu terminologiquement avec l’époux de la fille. De même, les enfants sont toujours distingués selon le sexe du locuteur et non selon leur sexe, tandis que les cousins continuent d’être assimilés aux germains. Les rapports de consanguinité et d’affinité sont fréquemment étayés ou prolongés à l’extérieur de la famille par des relations spirituelles qui s’établissent lors de la célébration des rites de passage jalonnant le cycle de vie. Le baptême, le mariage, la première coupe de cheveux (umarutuy ou warkaruti ) font l’objet d’un parrainage d’où découle un double lien entre le parrain et le filleul d’une part, et entre le parrain de l’enfant et le père du filleul d’autre part.Le mariage intervient entre individus investis de patronymes différents, hors du cercle de ces relations biologiques et spirituelles. Institution fondatrice du ménage sur lequel repose traditionnellement la structure communautaire et à l’intérieur duquel s’opère la répartition des activités socio-économiques, il n’est définitivement sanctionné qu’au terme d’une période de concubinage (uywanakuy , watanaki ou encore sirvinakuy ) mise à profit par les conjoints potentiels pour éprouver leur compatibilité sous la stricte surveillance de leurs familles respectives. Les nouveaux mariés vivent chez les parents du mari jusqu’à ce qu’ils aient les moyens de construire leur propre habitation. Le dernier fils peut cependant continuer d’habiter, avec sa femme et ses enfants, dans la maison de son père, dont il hérite selon la coutume.3. L’économieLa législation espagnole instituant la communauté prévoyait que celle-ci devait être pourvue d’une assise foncière suffisante pour satisfaire aux nécessités de la population. Les pâturages demeuraient indivis. Les terres de cultures étaient réparties au début de chaque cycle agraire entre les ménages. À la fin du cycle, les parcelles réintégraient le fonds commun qui était à nouveau alloti et distribué au début du cycle suivant. Toutefois, les menaces que ne cessèrent de faire peser les grands propriétaires métis ou blancs sur les tenures collectives, pourtant protégées par la loi jusqu’au XIXe siècle, amenèrent peu à peu les Quetchuas à se saisir privativement des lopins qu’ils détenaient en usufruit et dont ils n’avaient qu’une jouissance précaire. Ce mouvement d’individualisation de la propriété foncière et les modalités par lesquelles elle allait dorénavant se transmettre ont provoqué l’atomisation de bien des terroirs. L’héritage est en effet égalitaire et bilatéral. Les enfants des deux sexes possèdent des droits égaux sur les biens de leur père et de leur mère, et souvent chaque champ compris dans la succession est divisé en autant de lots qu’il y a d’ayants droit.Le fond des vallées, exposé à des précipitations relativement moins abondantes et protégé du gel et de la grêle, est consacré à la culture du pois, de la fève et du haricot, ainsi qu’à celle de diverses variétés de maïs dont les unes servent à la confection de la kan face="EU Caron" カa (maïs grillé) et d’autres à la préparation du mote (maïs bouilli). Sur les flancs, jadis savamment aménagés en terrasses, s’étagent le blé et l’orge que les Quetchuas ont empruntés très tôt aux Européens et qu’ils apprécient pour leur résistance aux rudes conditions du climat. Blé et orge sont réduits en poudre, ou ma face="EU Caron" カka , qui est ensuite grillée. Enfin, aux confins de la steppe prend place l’agriculture andine traditionnelle. Elle est caractérisée par une céréale, la kinwa (Chenopodium quinoa ) et par plusieurs espèces de tubercules comme la pomme de terre, la mašwa (Tropaeolum tuberosum ), l’ulluku (Ullucus tuberosus ) et l’uka (Oxalis tuberosa ). Ces tubercules sont conservés par déshydratation sous forme de face="EU Caron" カuñu , après avoir été soumis à des changements brutaux de température. Quant à la steppe où croît par touffes drues une courte graminée, l’i face="EU Caron" カu , elle n’est propre qu’à l’élevage.Les activités agricoles s’effectuent à l’aide d’instruments rudimentaires tels que la houe (lakwaš ) et la bâton à fouir ( face="EU Caron" カakitaqlla ), que l’araire tiré par une paire de taureaux tend à remplacer. Le travail des champs commence en septembre, à la veille de la saison des pluies, par le labour et les semailles, et il s’achève avec la récolte, entre mai et juillet. Il met en jeu des systèmes d’entraide qui s’organisent sur la base de la parenté ou du voisinage. L’ayni est une aide réciproque et non cérémonielle. La personne au bénéfice de laquelle l’ayni est réalisé offre aux prestataires de la coca et de l’alcool, mais elle doit restituer à ces derniers l’exacte quantité de travail qu’elle a reçue d’eux lorsqu’ils en feront la demande. En revanche, la minka est une aide cérémonielle et non réciproque. Le bénéficiaire de cette aide se libère de l’obligation de rendre le travail qui lui est fourni en faisant preuve de générosité envers les prestataires, en leur offrant boisson et nourriture en abondance et en les divertissant par des danses et par des chants tout au long du labeur.L’élevage est toujours étroitement associé à l’agriculture, bien que l’importance de ces deux activités varie en fonction de l’altitude à laquelle se situe la communauté. Mais le troupeau représentant un investissement à la fois économique et affectif, même les communautés à vocation nettement agricole entretiennent un certain nombre d’animaux. L’alpaga (alpaca ) et le mouton sont élevés pour leur laine. Le lama qui, comme l’alpaga, dérive d’un camélidé d’Amérique est utilisé comme bête de charge. Il a beaucoup perdu de son utilité depuis que les routes ont rendu les communications plus aisées, et il a pratiquement disparu en Équateur et dans le nord du Pérou. La chair de ces animaux est découpée en fines lamelles qui sont séchées au soleil avant d’être consommées en face="EU Caron" カarki . Leurs déjections servent d’engrais et aussi de combustible partout où le bois est rare et la végétation clairsemée. En général, les produits bruts ou élaborés de l’élevage font l’objet de troc entre communautés des terres hautes et communautés des terres tempérées. Chaque année, en juillet et en août, les premières descendent en longues caravanes dans les vallées pour acquérir chez les secondes le blé et le maïs qu’elles ne peuvent produire, en échange de laine, de tissus et de viande. Ces déplacements de pasteurs coïncident le plus souvent avec la célébration d’une fête ou la réalisation d’un culte. Toutefois, le développement des marchés animés par les métis leur a fait perdre le caractère massif qu’ils possédaient il y a encore quelques années.4. L’organisation politique et religieuseLa communauté est gouvernée par un corps d’autorités élues par roulement et temporaires, appelées varayoq , du nom du bâton de commandement ou vara qu’elles portent. Ce corps comprend diverses charges hiérarchisées qui correspondent à celles des anciens conseils municipaux, ou ayuntamientos , de la péninsule Ibérique, mais qui s’organisent et fonctionnent selon des principes particuliers. À la tête de la hiérarchie se situe la charge d’alcalde . Immédiatement après, viennent celles de campos , puis celles de regidores , et enfin celles d’alguaciles . Les charges de même niveau se distribuent égalitairement entre les sections de la communauté. Quant à la charge d’alcade qui est toujours unique, elle alterne d’une année sur l’autre entre les sections. Car les titulaires de ces charges sont nommés par l’assemblée communautaire pour une seule année. Non seulement tous les hommes mariés sont susceptibles d’être portés à une charge, mais encore tous se doivent d’exercer successivement la totalité des charges de la hiérarchie pendant la durée de leur vie, en commençant par la charge inférieure d’alguacil et en terminant par celle d’alcalde. C’est par l’exercice de ces charges que l’homme accumule du prestige et qu’il parvient à accéder dans sa communauté à la position d’aîné, de mayor ou de principal .Les varayoq veillent à l’entretien des édifices de l’agglomération. Ils contrôlent la rotation des cultures, déterminent la longueur des jachères, décident de l’utilisation des pâturages communaux. Après la récolte, pendant les mois de l’hiver austral, ils convoquent les chefs de famille pour réaliser les travaux d’intérêt collectif ou faenas , tels que la réfection des sentiers et le nettoiement des canaux d’irrigation. Ils disent également la coutume et, sur la base des normes traditionnelles, ils règlent les litiges que l’esprit procédurier des Quetchuas fait proliférer.Bien que les fonctions politiques et les fonctions religieuses soient nettement différenciées, la religion constitue un instrument essentiel du contrôle social. Elle s’apparente dans ses formes extérieures au catholicisme populaire de l’Espagne médiévale, centré sur le culte des saints. La communauté et chacune de ses sections se reconnaissent un saint tutélaire dont le culte est entretenu par des mayordomos . Comme les varayoq, ceux-ci reçoivent de l’assemblée communautaire un mandat d’un an. Il leur faut en particulier célébrer la fête du saint auquel ils sont attachés, afin d’assurer la prospérité matérielle et morale de la collectivité qu’ils représentent face au monde surnaturel. De telle fêtes, qui durent trois jours, s’accompagnent de danses, de banquets et de libations, ainsi que de combats de taureaux et de condors. Elles exigent des dépenses considérables auxquelles le mayordomo doit pourvoir en mobilisant son épargne et celle de ses parents, alliés et amis. Souvent, les mayordomos de sections différentes entrent en compétition, et celui qui dépense plus que les autres dans l’exercice de sa charge se couvre de prestige aux dépens de ses concurrents.Bien des saints catholiques ont emprunté certains de leurs attributs à d’anciennes divinités locales. C’est le cas de Santiago qui correspond à Illapa, dieu de la foudre, et de la Vierge Marie qui est identifiée à Pa face="EU Caron" カamama, déesse de la terre, de la fertilité et de la fécondité. Divers rituels et de nombreuses croyances préhispaniques subsistent encore aujourd’hui. Dans le centre-sud des Andes péruviennes, les pasteurs éprouvent une vénération toute particulière envers le Wamani, protecteur des hommes et des troupeaux, qui habite les montagnes. Afin de se concilier ce puissant esprit, ils lui font des offrandes d’alcool, de sucre et de fleurs, et ils déposent leur chique de coca au pied des petits tas de pierres qui signalent sa présence en bordure des sentiers.5. La question quetchuaBien que depuis longtemps intégrés à la société hispano-coloniale qui influença considérablement leur développement culturel, les Quetchuas n’ont commencé à peser dans la vie politique nationale des États andins qu’à une date relativement récente. Les bouleversements sociaux provoqués au Pérou par la guerre du Pacifique, et en Bolivie par celle du Chaco, ont contribué à faire prendre conscience aux élites blanches des problèmes de leurs compatriotes indiens. L’idéologie indigéniste que ces conflits affermirent a débouché sur des programmes gouvernementaux d’aide et d’assistance aux communautés montagnardes, tendant à résorber les disparités économiques, sociales et culturelles qui les séparent des autres secteurs de la population.Par ailleurs, la croissance démographique des Quetchuas et le surpeuplement de leurs terroirs ont déclenché d’amples mouvements migratoires vers les grandes cités. L’agglomération de Lima, pour ne citer qu’elle, a triplé de population entre 1950 et 1970. La menace qui représentent pour l’ordre établi ces migrants déracinés et le plus souvent inemployés qui s’entassent dans des bidonvilles n’est certainement pas étrangère aux tentatives répétées des gouvernements de la région d’effectuer une réforme agraire tout en intensifiant la politique indigéniste.Néanmoins, tant en Équateur qu’en Bolivie et au Pérou, ces politiques sont mises à mal par des populations quechuas à forte croissance démographique qui défendent ardemment leur culture, de sorte que dans ces trois pays la question quetchua continue à se poser avec acuité.
Encyclopédie Universelle. 2012.